Ayaan Hirsi Ali: une femme courage
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Ayaan Hirsi Ali: une femme courage
Je crois que la lutte contre l'islamisme devra passer par un soutien sans faille des femmes. Si elles se révoltent en nbre et imposent leur droit à la liberté de vivre et de s'habiller comme elles l'entendent, les barbus reculeront! *
Ayaan Hirsi Ali : « Les attentats islamistes sont des actes de guerre »
Propos recueillis par Laetitia Strauch-Bonart
Esprit libre. Ayaan Hirsi Ali, femme politique et écrivaine néerlando-américaine (ici en 2015).
Infidel, Nomad, Heretic… les titres qu'elle a donnés à ses livres en disent long sur elle, cet esprit libre, indépendant et courageux comme l'époque en fait si peu. Ayaan Hirsi Ali, Néerlando-Américaine mondialement connue pour sa critique de l'islam et sa défense des droits des musulmanes - elle s'oppose depuis des années aux mariages forcés, aux crimes d'honneur et à l'excision -, a un parcours hors du commun. Née en Somalie, immigrée aux Pays-Bas en 1992, elle est devenue en 2003, à 33 ans, députée du Parti populaire pour la liberté et la démocratie, jusqu'à sa démission, en 2006. Elle a ensuite quitté les Pays-Bas pour les États-Unis, où elle a créé une fondation pour la défense des droits des femmes, l'AHA Foundation. L'attentat du 11 septembre 2001 a signé le début de sa prise de distance avec l'islam. Menacée par les islamistes depuis l'assassinat de Theo Van Gogh, avec lequel elle avait collaboré, défenseure de la publication des caricatures de Mahomet par le journal Jyllands-Posten en 2005, cible régulière des chasseurs d'« islamophobes », elle appelle dans son dernier livre, Heretic (2015), à une profonde réforme de l'islam. Après l'attentat de Conflans, elle évoque pour nous l'islamisme en France, la nécessité d'une réponse politique et les dommages du « wokism », ce nouveau politiquement correct§
Le Point : Pourquoi la France a-t-elle été si souvent la cible d'attentats islamistes ? Y a-t-il quelque chose de spécifique à notre pays ?
Ayaan Hirsi Ali : Ce qui est probablement spécifique à votre pays est le fait que ces sociétés parallèles, ce que votre président appelle le « séparatisme islamiste », ont été autorisées à se répandre progressivement pendant des décennies. Lorsque, au début des années 1990, le rêve des islamistes algériens s'est brisé, c'est la France qui en a été tenue responsable. D'où les attentats qui ont suivi. D'où aussi un système efficace de contre-terrorisme mis en place dans votre pays. Mais ce système est devenu moins puissant à partir des années 2000. Après le 11 Septembre, période pendant laquelle j'allais beaucoup en France, je me rappelle que les débats étaient incessants, certaines personnes, essentiellement à gauche, estimant que les mesures qui permettaient de repérer et de traquer les terroristes n'étaient pas constitutionnelles. Au fondement de cet argument, on trouvait l'idée multiculturaliste selon laquelle il était injuste de traiter les musulmans différemment des autres.
L'autre raison est que la France s'est contentée jusqu'à présent de se focaliser sur les attentats. Au moment où un attentat se produit, elle se demande rétroactivement comment une telle chose a pu se passer et recherche les musulmans radicalisés et leurs alliés. Mais elle s'est trop peu intéressée aux institutions où se produit l'endoctrinement des jeunes, qui les conduit à penser que, lorsque quelqu'un commet un « acte de blasphème », ils doivent attaquer et tuer au lieu d'être simplement offensés et détourner le regard de ce qui les vexe. C'est un prêche que l'on trouve dans certaines mosquées - et une mosquée, ce n'est pas forcément un dôme magnifique, ce peut être aussi une pièce dans la maison de quelqu'un ou une cave en sous-sol. La France a ignoré une grande partie de cela. On préférait trouver des excuses : ces prêches existent parce que ces gens sont malheureux, exclus et discriminés.La dernière raison tient à ce qui se passe dans les prisons. De nombreux jeunes hommes d'origine maghrébine se retrouvent en prison pour des faits de petite délinquance et en ressortent islamistes. Un Français à qui je demandais un jour pourquoi on ne mettait pas davantage les violeurs en prison en France m'avait répondu grosso modo : « Ils vont y entrer violeurs et en sortir terroristes. » La France n'a pas assez suivi ce qui se passait dans les lieux d'incarcération.
Selon vous, y a-t-il une continuité ou une discontinuité entre islam et islamisme ?
Dans mon livre paru en 2015, Heretic, j'explique qu'il y a un islam et trois catégories de musulmans : les premiers sont les musulmans de Médine (Medina muslims). Eux s'inspirent de la vie de Mahomet à Médine, y compris les conquêtes qu'il a menées pour étendre son influence sur la cité puis sur toute la péninsule arabe. Ces musulmans veulent répéter cette geste. Ils suivent le Coran à la lettre, comme si c'était leur GPS. La deuxième catégorie est celle des musulmans de La Mecque (Mecca muslims), qui insistent sur le fait que l'islam est une religion de paix car le Prophète, après avoir reçu ses révélations à La Mecque, ne faisait que prêcher, défendre la paix et la charité, sans jamais en appeler à la violence. Cette catégorie, dans le monde musulman, est la plus vaste. La troisième, surtout présente en Europe et au Moyen-Orient, je la nomme celle des musulmans modificateurs (modifier muslims). Eux estiment que, si les idées et les actions du Prophète étaient acceptables au VIIe siècle, certaines ne le sont plus aujourd'hui. Et, à mon avis, c'est ce qu'il faut faire. C'est pourquoi, quand je parle d'« islamistes », c'est pour ne pas offenser les musulmans de La Mecque, car je souhaite que cette catégorie rejoigne notre combat.Et vous-même ?
Je ne suis plus croyante depuis longtemps. Et ce qui est très intéressant, et peut-être l'un des phénomènes aujourd'hui les moins analysés, c'est le nombre croissant de personnes qui se considéraient autrefois comme musulmanes et ne le sont plus. Elles changent de religion ou deviennent athées. Et quand je vois cela, je suis très optimiste.
Pensez-vous que l'islam, en France et ailleurs, devrait être régulé par l'État ?
Quand, au nom d'une religion, sont commis de façon récurrente des attentats, alors évidemment c'est le devoir de l'État que d'assurer la sécurité de ses citoyens. Il faut toujours revenir à la racine de la chose publique : le rôle de l'État n'est pas de distribuer des bons alimentaires, mais de protéger les individus. C'est d'abord pour cela que nous payons des impôts. Pourquoi avoir attendu des années, notamment cette année 2015, avant de faire ce que l'État aurait dû faire de toute façon : arrêter des gens, les interroger, démanteler les réseaux ? Car, quand l'État ne joue pas son rôle, les individus décident de le faire par eux-mêmes, d'où, aux États-Unis, cette incessante discussion sur le deuxième amendement.
Que pensez-vous des récentes annonces du président de la République, Emmanuel Macron, contre le « séparatisme islamiste » - avant même l'attentat de Conflans ?
Tout dépendra de sa volonté et de sa capacité à les exécuter. Car, souvent, les leaders politiques font de grandes annonces sur le terrorisme qui sont peu suivies d'effets. Cela tient partiellement au fait que, dès que l'on nomme le problème, comme Emmanuel Macron l'a fait, on est immédiatement diabolisé ou considéré comme démagogue par la plupart des médias et des intellectuels. On l'a vu en France, en Allemagne, aux États-Unis, où l'on a entendu pendant longtemps que les attentats étaient le fait de personnes extrêmes et dérangées. Cela fait des décennies que cela dure. Mais si votre président, assisté de son gouvernement et de la société civile, prend vraiment le danger islamiste au sérieux, il pourra changer les choses.
Comment répondre aux musulmans qui se sentent offensés par les caricatures du Prophète ?
Dans l'histoire de l'Europe, et en particulier celle de la France, cette discussion a eu lieu pendant des siècles. Et, pour y répondre, nous avons établi des Constitutions qui protègent la liberté d'offenser. Il n'y a rien d'autre à dire. Aujourd'hui, ce sont les musulmans qui sont offensés, mais hier c'étaient les catholiques et les protestants, à tel point qu'ils se faisaient la guerre. Si j'étais une enfant et que j'avais vu la caricature qu'a montrée Samuel Paty, j'aurais été amusée et non offensée. Mais ces enfants ne rient pas, car les adultes leur ont inculqué l'idée que ces images étaient offensantes. Il nous faut parler à ces adultes de façon adulte : « Vous avez décidé de vivre en France ? Eh bien voilà notre histoire et nos valeurs, et vous devez les suivre. » Quand je vivais encore aux Pays-Bas, j'allais rencontrer des enfants d'origine nord-africaine nés en Hollande pour leur raconter cela. Les multiculturalistes et les postmodernistes estimaient que ce que je faisais était mauvais car « colonial » et « ethnocentrique ». C'est la même chose chez vous. Mais si vous n'apprenez jamais ce qu'est la liberté d'expression et son histoire, vous ne les respecterez jamais ! Les islamistes s'engouffrent dans ce vide relativiste et imposent à des enfants une idéologie qui date du VIIe siècle. C'est un échec total de l'éducation.
Pourquoi notre ministère de l'Éducation est-il si pusillanime ? Pourquoi ne pas avoir été bien plus agressif contre l'islamisme et le refus de la liberté d'expression ?
En France et ailleurs, les ministères de l'Éducation sont attardés. Ils n'exercent pas les devoirs que leur fonction leur impose. Ils n'« éduquent » pas. Je ne vois même pas pourquoi on les appelle encore ministères de l'« Éducation ». Ils laissent chez vous les islamistes, et chez nous ce que nous appelons les wokes (« éveillés », au sens de sensibles aux injustices, notamment raciales, ce que leurs détracteurs décrivent comme un politiquement correct obsessionnel, NDLR), faire ce qu'ils veulent. À ce propos, le wokism a beau être séculier, c'est un des courants idéologiques les plus totalitaires que j'ai jamais vus et qui cible nos enfants.
Après l'attentat de Conflans, le « New York Times » a publié un article dont le titre a changé trois fois (« La police française tire sur un homme et le tue après une attaque fatale au couteau dans la rue », « La police française abat un homme qui a décapité un enseignant dans la rue », « Un homme décapite un enseignant dans la rue en France et est tué par la police »), ce qui montre la difficulté de ce journal à nommer l'attentat et la responsabilité de son auteur. Pourquoi ?
Le New York Times est devenu « woke » - on se demande d'ailleurs de quoi ils se sont réveillés… Prenez par exemple leur Projet 1619, qui revisite l'histoire des États-Unis par le prisme de l'esclavage et de la contribution au pays des Afro-Américains, 1619 étant la date de l'arrivée des premiers esclaves africains en Virginie. Mais, comme le dit la formule, Go woke, go broke (« À être trop éveillés, vous finirez fauchés », NDLR). Nous verrons bien combien de temps le Times va survivre avec ce type de messages.
Vous publierez, en février 2021, un nouveau livre, « Prey : Immigration, Islam, and the Erosion of Women's Rights », sur les violences perpétrées à l'encontre des femmes par de jeunes musulmans en Europe. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, mon nouveau livre étudie ce qui se passe en Europe concernant la sécurité des femmes dans l'espace public. Dans toute l'Europe, on observe que le harcèlement s'est accru. C'est le fait d'hommes qui proviennent de sociétés où les femmes et les droits des femmes ne sont pas respectés. Or les gouvernements européens font peu pour protéger ces femmes. Si cela continue, vous risquez de perdre presque toutes les avancées que vous avez réalisées en matière de droits des femmes. J'aime énormément la France - j'y allais beaucoup auparavant - et son sort m'importe au plus haut point. Je vois de loin la tragédie que vous traversez. Mon ami Pascal Bruckner a d'ailleurs bien nommé ce qui se passe en ce moment en parlant, à propos de l'attentat de Conflans, d'une « déclaration de guerre ». Les Français pensent qu'il s'agit seulement d'un crime, mais ce n'est pas ça, c'est vraiment une guerre. C'est ainsi qu'il faut l'appeler.
En 2014, Brandeis University devait vous remettre un diplôme honorifique puis a retiré son offre. Vous avez donc été « deplatformed » avant que la pratique soit à la mode (le « deplatforming » consiste à empêcher des personnes controversées de s'exprimer, soit en supprimant leur invitation, soit en les empêchant d'accéder au lieu où elles doivent s'exprimer, NDLR) !
L'université a pris cette décision à la suite de la pression exercée par la Muslim Student Association de Brandeis, soutenue par tout un réseau d'extrême gauche woke et postmoderne. D'ailleurs, ce n'est pas à vous que je vais apprendre que le postmodernisme vient de France, et vous savez comment cela se passe : ce qui vient de France prend pied aux États-Unis, est exagéré et repart vers le continent ! À l'époque, on ne voulait pas de moi au prétexte que cela heurtait les minorités musulmanes, qui par ma faute ne pouvaient apparemment plus aller en cours et se concentrer. C'était pour protéger un groupe dont la taille, aux États-Unis, est restreinte. Mais aujourd'hui l'argument n'est plus de protéger une minorité, mais de prétendre que l'intégralité des États-Unis, voire du monde occidental, est a priori raciste et qu'il faut « corriger » cela de façon totalitaire. Et il faut le dire et le redire : cela vient de la gauche. Celle-ci répond toujours, face aux critiques, que le danger du moment réside dans l'extrême droite et le suprémacisme blanc. Mais j'ai regardé tout cela de près et vous savez quoi ? Il n'y a pas grand-chose ! Quelques idiots à tout casser. L'extrême droite a été battue de manière décisive après la Seconde Guerre mondiale. L'extrême droite d'aujourd'hui, ce n'est rien. La menace de la tyrannie vient de l'extrême gauche et nous y sommes aveugles.
C'est-à-dire ?
Nous en sommes arrivés à un point où les gens ne disent plus vraiment ce qu'ils pensent. Par exemple, selon une étude publiée par l'organisation caritative Foundation for Individual Rights in Education, qui défend la liberté académique, 60 % des étudiants interrogés déclarent qu'ils ne se sentent pas à l'aise pour exprimer leurs opinions à cause de la réaction potentielle des autres étudiants, de leurs professeurs ou de leur administration.
Tout cela n'est pas réjouissant…
Pourtant, je reste optimiste : je pense que la majorité des gens ne veut pas de cela, ce qui va finir pas se traduire politiquement. Bien entendu, ce sera long, d'autant que les États-Unis sont un pays dramatique, qui peut connaître des mouvements de balancier extrêmes. We'll see what happens (« On verra bien ce qui va se passer »), comme dirait Donald Trump (rires) !
Ayaan Hirsi Ali : « Les attentats islamistes sont des actes de guerre »
Cette écrivaine d'origine somalienne, qui milite pour une réforme profonde de l'islam, nous livre son analyse sur les récentes attaques terroristes en France.
Propos recueillis par Laetitia Strauch-Bonart
Esprit libre. Ayaan Hirsi Ali, femme politique et écrivaine néerlando-américaine (ici en 2015).
Infidel, Nomad, Heretic… les titres qu'elle a donnés à ses livres en disent long sur elle, cet esprit libre, indépendant et courageux comme l'époque en fait si peu. Ayaan Hirsi Ali, Néerlando-Américaine mondialement connue pour sa critique de l'islam et sa défense des droits des musulmanes - elle s'oppose depuis des années aux mariages forcés, aux crimes d'honneur et à l'excision -, a un parcours hors du commun. Née en Somalie, immigrée aux Pays-Bas en 1992, elle est devenue en 2003, à 33 ans, députée du Parti populaire pour la liberté et la démocratie, jusqu'à sa démission, en 2006. Elle a ensuite quitté les Pays-Bas pour les États-Unis, où elle a créé une fondation pour la défense des droits des femmes, l'AHA Foundation. L'attentat du 11 septembre 2001 a signé le début de sa prise de distance avec l'islam. Menacée par les islamistes depuis l'assassinat de Theo Van Gogh, avec lequel elle avait collaboré, défenseure de la publication des caricatures de Mahomet par le journal Jyllands-Posten en 2005, cible régulière des chasseurs d'« islamophobes », elle appelle dans son dernier livre, Heretic (2015), à une profonde réforme de l'islam. Après l'attentat de Conflans, elle évoque pour nous l'islamisme en France, la nécessité d'une réponse politique et les dommages du « wokism », ce nouveau politiquement correct§
Le Point : Pourquoi la France a-t-elle été si souvent la cible d'attentats islamistes ? Y a-t-il quelque chose de spécifique à notre pays ?
Ayaan Hirsi Ali : Ce qui est probablement spécifique à votre pays est le fait que ces sociétés parallèles, ce que votre président appelle le « séparatisme islamiste », ont été autorisées à se répandre progressivement pendant des décennies. Lorsque, au début des années 1990, le rêve des islamistes algériens s'est brisé, c'est la France qui en a été tenue responsable. D'où les attentats qui ont suivi. D'où aussi un système efficace de contre-terrorisme mis en place dans votre pays. Mais ce système est devenu moins puissant à partir des années 2000. Après le 11 Septembre, période pendant laquelle j'allais beaucoup en France, je me rappelle que les débats étaient incessants, certaines personnes, essentiellement à gauche, estimant que les mesures qui permettaient de repérer et de traquer les terroristes n'étaient pas constitutionnelles. Au fondement de cet argument, on trouvait l'idée multiculturaliste selon laquelle il était injuste de traiter les musulmans différemment des autres.
L'autre raison est que la France s'est contentée jusqu'à présent de se focaliser sur les attentats. Au moment où un attentat se produit, elle se demande rétroactivement comment une telle chose a pu se passer et recherche les musulmans radicalisés et leurs alliés. Mais elle s'est trop peu intéressée aux institutions où se produit l'endoctrinement des jeunes, qui les conduit à penser que, lorsque quelqu'un commet un « acte de blasphème », ils doivent attaquer et tuer au lieu d'être simplement offensés et détourner le regard de ce qui les vexe. C'est un prêche que l'on trouve dans certaines mosquées - et une mosquée, ce n'est pas forcément un dôme magnifique, ce peut être aussi une pièce dans la maison de quelqu'un ou une cave en sous-sol. La France a ignoré une grande partie de cela. On préférait trouver des excuses : ces prêches existent parce que ces gens sont malheureux, exclus et discriminés.La dernière raison tient à ce qui se passe dans les prisons. De nombreux jeunes hommes d'origine maghrébine se retrouvent en prison pour des faits de petite délinquance et en ressortent islamistes. Un Français à qui je demandais un jour pourquoi on ne mettait pas davantage les violeurs en prison en France m'avait répondu grosso modo : « Ils vont y entrer violeurs et en sortir terroristes. » La France n'a pas assez suivi ce qui se passait dans les lieux d'incarcération.
Selon vous, y a-t-il une continuité ou une discontinuité entre islam et islamisme ?
Dans mon livre paru en 2015, Heretic, j'explique qu'il y a un islam et trois catégories de musulmans : les premiers sont les musulmans de Médine (Medina muslims). Eux s'inspirent de la vie de Mahomet à Médine, y compris les conquêtes qu'il a menées pour étendre son influence sur la cité puis sur toute la péninsule arabe. Ces musulmans veulent répéter cette geste. Ils suivent le Coran à la lettre, comme si c'était leur GPS. La deuxième catégorie est celle des musulmans de La Mecque (Mecca muslims), qui insistent sur le fait que l'islam est une religion de paix car le Prophète, après avoir reçu ses révélations à La Mecque, ne faisait que prêcher, défendre la paix et la charité, sans jamais en appeler à la violence. Cette catégorie, dans le monde musulman, est la plus vaste. La troisième, surtout présente en Europe et au Moyen-Orient, je la nomme celle des musulmans modificateurs (modifier muslims). Eux estiment que, si les idées et les actions du Prophète étaient acceptables au VIIe siècle, certaines ne le sont plus aujourd'hui. Et, à mon avis, c'est ce qu'il faut faire. C'est pourquoi, quand je parle d'« islamistes », c'est pour ne pas offenser les musulmans de La Mecque, car je souhaite que cette catégorie rejoigne notre combat.Et vous-même ?
Je ne suis plus croyante depuis longtemps. Et ce qui est très intéressant, et peut-être l'un des phénomènes aujourd'hui les moins analysés, c'est le nombre croissant de personnes qui se considéraient autrefois comme musulmanes et ne le sont plus. Elles changent de religion ou deviennent athées. Et quand je vois cela, je suis très optimiste.
Pensez-vous que l'islam, en France et ailleurs, devrait être régulé par l'État ?
Quand, au nom d'une religion, sont commis de façon récurrente des attentats, alors évidemment c'est le devoir de l'État que d'assurer la sécurité de ses citoyens. Il faut toujours revenir à la racine de la chose publique : le rôle de l'État n'est pas de distribuer des bons alimentaires, mais de protéger les individus. C'est d'abord pour cela que nous payons des impôts. Pourquoi avoir attendu des années, notamment cette année 2015, avant de faire ce que l'État aurait dû faire de toute façon : arrêter des gens, les interroger, démanteler les réseaux ? Car, quand l'État ne joue pas son rôle, les individus décident de le faire par eux-mêmes, d'où, aux États-Unis, cette incessante discussion sur le deuxième amendement.
Que pensez-vous des récentes annonces du président de la République, Emmanuel Macron, contre le « séparatisme islamiste » - avant même l'attentat de Conflans ?
Tout dépendra de sa volonté et de sa capacité à les exécuter. Car, souvent, les leaders politiques font de grandes annonces sur le terrorisme qui sont peu suivies d'effets. Cela tient partiellement au fait que, dès que l'on nomme le problème, comme Emmanuel Macron l'a fait, on est immédiatement diabolisé ou considéré comme démagogue par la plupart des médias et des intellectuels. On l'a vu en France, en Allemagne, aux États-Unis, où l'on a entendu pendant longtemps que les attentats étaient le fait de personnes extrêmes et dérangées. Cela fait des décennies que cela dure. Mais si votre président, assisté de son gouvernement et de la société civile, prend vraiment le danger islamiste au sérieux, il pourra changer les choses.
Comment répondre aux musulmans qui se sentent offensés par les caricatures du Prophète ?
Dans l'histoire de l'Europe, et en particulier celle de la France, cette discussion a eu lieu pendant des siècles. Et, pour y répondre, nous avons établi des Constitutions qui protègent la liberté d'offenser. Il n'y a rien d'autre à dire. Aujourd'hui, ce sont les musulmans qui sont offensés, mais hier c'étaient les catholiques et les protestants, à tel point qu'ils se faisaient la guerre. Si j'étais une enfant et que j'avais vu la caricature qu'a montrée Samuel Paty, j'aurais été amusée et non offensée. Mais ces enfants ne rient pas, car les adultes leur ont inculqué l'idée que ces images étaient offensantes. Il nous faut parler à ces adultes de façon adulte : « Vous avez décidé de vivre en France ? Eh bien voilà notre histoire et nos valeurs, et vous devez les suivre. » Quand je vivais encore aux Pays-Bas, j'allais rencontrer des enfants d'origine nord-africaine nés en Hollande pour leur raconter cela. Les multiculturalistes et les postmodernistes estimaient que ce que je faisais était mauvais car « colonial » et « ethnocentrique ». C'est la même chose chez vous. Mais si vous n'apprenez jamais ce qu'est la liberté d'expression et son histoire, vous ne les respecterez jamais ! Les islamistes s'engouffrent dans ce vide relativiste et imposent à des enfants une idéologie qui date du VIIe siècle. C'est un échec total de l'éducation.
Pourquoi notre ministère de l'Éducation est-il si pusillanime ? Pourquoi ne pas avoir été bien plus agressif contre l'islamisme et le refus de la liberté d'expression ?
En France et ailleurs, les ministères de l'Éducation sont attardés. Ils n'exercent pas les devoirs que leur fonction leur impose. Ils n'« éduquent » pas. Je ne vois même pas pourquoi on les appelle encore ministères de l'« Éducation ». Ils laissent chez vous les islamistes, et chez nous ce que nous appelons les wokes (« éveillés », au sens de sensibles aux injustices, notamment raciales, ce que leurs détracteurs décrivent comme un politiquement correct obsessionnel, NDLR), faire ce qu'ils veulent. À ce propos, le wokism a beau être séculier, c'est un des courants idéologiques les plus totalitaires que j'ai jamais vus et qui cible nos enfants.
Après l'attentat de Conflans, le « New York Times » a publié un article dont le titre a changé trois fois (« La police française tire sur un homme et le tue après une attaque fatale au couteau dans la rue », « La police française abat un homme qui a décapité un enseignant dans la rue », « Un homme décapite un enseignant dans la rue en France et est tué par la police »), ce qui montre la difficulté de ce journal à nommer l'attentat et la responsabilité de son auteur. Pourquoi ?
Le New York Times est devenu « woke » - on se demande d'ailleurs de quoi ils se sont réveillés… Prenez par exemple leur Projet 1619, qui revisite l'histoire des États-Unis par le prisme de l'esclavage et de la contribution au pays des Afro-Américains, 1619 étant la date de l'arrivée des premiers esclaves africains en Virginie. Mais, comme le dit la formule, Go woke, go broke (« À être trop éveillés, vous finirez fauchés », NDLR). Nous verrons bien combien de temps le Times va survivre avec ce type de messages.
Vous publierez, en février 2021, un nouveau livre, « Prey : Immigration, Islam, and the Erosion of Women's Rights », sur les violences perpétrées à l'encontre des femmes par de jeunes musulmans en Europe. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, mon nouveau livre étudie ce qui se passe en Europe concernant la sécurité des femmes dans l'espace public. Dans toute l'Europe, on observe que le harcèlement s'est accru. C'est le fait d'hommes qui proviennent de sociétés où les femmes et les droits des femmes ne sont pas respectés. Or les gouvernements européens font peu pour protéger ces femmes. Si cela continue, vous risquez de perdre presque toutes les avancées que vous avez réalisées en matière de droits des femmes. J'aime énormément la France - j'y allais beaucoup auparavant - et son sort m'importe au plus haut point. Je vois de loin la tragédie que vous traversez. Mon ami Pascal Bruckner a d'ailleurs bien nommé ce qui se passe en ce moment en parlant, à propos de l'attentat de Conflans, d'une « déclaration de guerre ». Les Français pensent qu'il s'agit seulement d'un crime, mais ce n'est pas ça, c'est vraiment une guerre. C'est ainsi qu'il faut l'appeler.
En 2014, Brandeis University devait vous remettre un diplôme honorifique puis a retiré son offre. Vous avez donc été « deplatformed » avant que la pratique soit à la mode (le « deplatforming » consiste à empêcher des personnes controversées de s'exprimer, soit en supprimant leur invitation, soit en les empêchant d'accéder au lieu où elles doivent s'exprimer, NDLR) !
L'université a pris cette décision à la suite de la pression exercée par la Muslim Student Association de Brandeis, soutenue par tout un réseau d'extrême gauche woke et postmoderne. D'ailleurs, ce n'est pas à vous que je vais apprendre que le postmodernisme vient de France, et vous savez comment cela se passe : ce qui vient de France prend pied aux États-Unis, est exagéré et repart vers le continent ! À l'époque, on ne voulait pas de moi au prétexte que cela heurtait les minorités musulmanes, qui par ma faute ne pouvaient apparemment plus aller en cours et se concentrer. C'était pour protéger un groupe dont la taille, aux États-Unis, est restreinte. Mais aujourd'hui l'argument n'est plus de protéger une minorité, mais de prétendre que l'intégralité des États-Unis, voire du monde occidental, est a priori raciste et qu'il faut « corriger » cela de façon totalitaire. Et il faut le dire et le redire : cela vient de la gauche. Celle-ci répond toujours, face aux critiques, que le danger du moment réside dans l'extrême droite et le suprémacisme blanc. Mais j'ai regardé tout cela de près et vous savez quoi ? Il n'y a pas grand-chose ! Quelques idiots à tout casser. L'extrême droite a été battue de manière décisive après la Seconde Guerre mondiale. L'extrême droite d'aujourd'hui, ce n'est rien. La menace de la tyrannie vient de l'extrême gauche et nous y sommes aveugles.
C'est-à-dire ?
Nous en sommes arrivés à un point où les gens ne disent plus vraiment ce qu'ils pensent. Par exemple, selon une étude publiée par l'organisation caritative Foundation for Individual Rights in Education, qui défend la liberté académique, 60 % des étudiants interrogés déclarent qu'ils ne se sentent pas à l'aise pour exprimer leurs opinions à cause de la réaction potentielle des autres étudiants, de leurs professeurs ou de leur administration.
Tout cela n'est pas réjouissant…
Pourtant, je reste optimiste : je pense que la majorité des gens ne veut pas de cela, ce qui va finir pas se traduire politiquement. Bien entendu, ce sera long, d'autant que les États-Unis sont un pays dramatique, qui peut connaître des mouvements de balancier extrêmes. We'll see what happens (« On verra bien ce qui va se passer »), comme dirait Donald Trump (rires) !
Invité- Invité
Re: Ayaan Hirsi Ali: une femme courage
ça change des Obono et Autain
Le K Keltys- Messages : 3335
Date d'inscription : 23/08/2020
Re: Ayaan Hirsi Ali: une femme courage
Heureusement, ils ne sont pas tous pourris, il y a aussi des gens biensLe K Keltys a écrit:ça change des Obono et Autain
Invité- Invité
Re: Ayaan Hirsi Ali: une femme courage
Magicfly a écrit:Je crois que la lutte contre l'islamisme devra passer par un soutien sans faille des femmes. Si elles se révoltent en nbre et imposent leur droit à la liberté de vivre et de s'habiller comme elles l'entendent, les barbus reculeront! *
/..../
C'est ça, Magic, il appartient aux courageuses musulmanes de se démerder pour que nos flics, nos profs et nos curés ne soient plus égogés. Ce n'est pas le problème du gouvernement ...
Diviciac- Messages : 43162
Date d'inscription : 02/07/2017
Localisation : IdF et Morvan
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