Le mensonge d'Etat ne fait plus aucun doute
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Le mensonge d'Etat ne fait plus aucun doute
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Plusieurs documents relatifs à cette stratégie démontrent par ailleurs que l’évolution marginale de la doctrine n’explique pas le fiasco actuel. Au début des années 2010, les stocks sont encore à leur plus haut niveau. Une note de la DGS datée du 27 juillet 2011, déjà évoquée dans la presse, mentionne des réserves de 600 millions de FFP2 et 800 millions de masques chirurgicaux. A ce moment-là, l’objectif du stock est toujours fixé à 1 milliard de masques chirurgicaux, et pas à 145 millions, comme l’a affirmé Véran début mars./.../
En 2018, une expertise est lancée par Santé publique France sur «l’évaluation de la qualité et de l’efficacité des masques chirurgicaux». Le marché est remporté par l’entreprise belge Centexbel. L’objectif : tester 125 échantillons composés chacun d’environ 25 masques et leur faire passer toute une batterie de tests : filtration bactérienne, respirabilité, biocompatibilité (réactions sur la peau), propreté microbienne et résistance de l’élastique. Le résultat tombe : la totalité du stock testé ne répond plus aux exigences européennes. «Ils étaient tous non conformes, sauf 100 millions qui s’apprêtaient à être périmés», se remémore François Bourdillon, directeur de Santé publique France de 2016 à 2019. Ces 100 millions restants sont ceux commandés en 2013 sous Touraine. Tout le reste est à jeter.
En juin 2019, un an après le constat de la faiblesse du stock, un avis d’experts de Santé publique France «relatif à la stratégie de constitution d’un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale» est publié. Ce document indique «qu’il n’y a aucun élément nouveau qui amènerait à modifier les recommandations émises» par le passé. En clair, le besoin pour équiper en cas de pandémie la population seule (sans compter les soignants) est d’un milliard de masques chirurgicaux. Ce groupe de travail, piloté par Jean-Paul Stahl, professeur de maladies infectieuses au CHU de Grenoble, avait-il été informé de l’état du stock ? «Pas du tout», rétorque ce dernier à Libération.
Le ministère de la Santé est pourtant parfaitement au courant de la quasi-pénurie. A la suite de la publication de cet avis, aucune décision de renflouer les stocks n’a, là non plus, été décidée par le gouvernement. Quelle était alors la position de Santé publique France ? «Nous, on est là pour exécuter les instructions, mais quand on remet un rapport d’expertise externe au ministère, c’est une forme de demande… Cet avis était fait pour ça, c’était un rapport de décision, ce n’était pas fait pour être rangé dans un placard», explique aujourd’hui François Bourdillon, qui a quitté la direction à l’été 2019. Contactés, les premiers responsables de ce choix, Agnès Buzyn, qui était alors ministre de la Santé, et Jérôme Salomon, n’ont pas répondu à nos questions sur ce qui avait guidé cette décision.
Même s’il prône la transparence sur sa gestion des masques, le gouvernement entretient surtout le flou depuis le début de l’épidémie. Etrangement, la commande évoquée par Jérôme Salomon de 100 millions de masques en 2018 n’apparaît pas dans la liste des appels d’offres passés par Santé publique France. Interrogés à ce propos, l’agence et le ministère n’ont pas donné d’explications. Cette commande avait-elle été entièrement ou partiellement livrée au début de l’épidémie ? Comment était réellement constitué ce stock de 117 millions de masques dont disposait la France en janvier 2020 ? Lors de son audition à l’Assemblée nationale le 23 avril, Jérôme Salomon a jeté le trouble en évoquant «72 millions de masques repris par Santé publique France», après leur date de péremption. L’état de ces masques a-t-il été expertisé avant d’être réintégré ? Interrogée à ce propos, la DGS n’a, là encore, pas répondu à nos questions.
Au plus fort de l’épidémie, dans les régions les plus touchées par le virus, l’écart est abyssal entre les besoins des personnels soignants et les dotations attribuées par l’Etat, comme le révèle un document du ministère de la Santé présenté lors du Conseil de défense et de sécurité nationale le 25 mars. A l’hôpital de Mulhouse, dans le Haut-Rhin, les besoins, même à l’économie, sont de 84 000 masques chirurgicaux et 35 000 masques FFP2 par semaine : l’Etat n’en distribue respectivement que 20 000 et 5 000 par semaine.
A l’échelle nationale, les récits de médecins, infirmiers, aide-soignants désarmés se multiplient. Fin mars, alors que l’épidémie est de plus en plus virulente et que les besoins sont estimés pour les soignants à au moins 40 millions de masques par semaine, le ministère de la Santé en a déstocké seulement 69 millions en huit semaines, selon ce même document du ministère de la Santé. L’Etat s’est aussi avéré incapable de fournir des masques à toutes les personnes malades. Les commandes passées par les autorités, trop tardives, n’y suffiront pas. Le stock stratégique, pensé justement pour une crise sanitaire, est largement insuffisant. Un haut fonctionnaire en première ligne résume la situation : «Ils sont tellement incertains de ce qu’il va se passer avec les importations qu’ils refusent de déstocker et transforment cette pénurie en norme.»
Plusieurs documents relatifs à cette stratégie démontrent par ailleurs que l’évolution marginale de la doctrine n’explique pas le fiasco actuel. Au début des années 2010, les stocks sont encore à leur plus haut niveau. Une note de la DGS datée du 27 juillet 2011, déjà évoquée dans la presse, mentionne des réserves de 600 millions de FFP2 et 800 millions de masques chirurgicaux. A ce moment-là, l’objectif du stock est toujours fixé à 1 milliard de masques chirurgicaux, et pas à 145 millions, comme l’a affirmé Véran début mars./.../
En 2018, une expertise est lancée par Santé publique France sur «l’évaluation de la qualité et de l’efficacité des masques chirurgicaux». Le marché est remporté par l’entreprise belge Centexbel. L’objectif : tester 125 échantillons composés chacun d’environ 25 masques et leur faire passer toute une batterie de tests : filtration bactérienne, respirabilité, biocompatibilité (réactions sur la peau), propreté microbienne et résistance de l’élastique. Le résultat tombe : la totalité du stock testé ne répond plus aux exigences européennes. «Ils étaient tous non conformes, sauf 100 millions qui s’apprêtaient à être périmés», se remémore François Bourdillon, directeur de Santé publique France de 2016 à 2019. Ces 100 millions restants sont ceux commandés en 2013 sous Touraine. Tout le reste est à jeter.
La responsabilité du gouvernement
En 2018, Jérôme Salomon reçoit le rapport de Santé publique France sur l’état des masques. Le résultat est catastrophique. Le stock stratégique est réduit à néant : seuls 100 millions de masques sont encore utilisables, et ils périment l’année suivante. «A ce moment-là, il y a eu des réunions au ministère pour estimer ce qu’il fallait commander, se souvient François Bourdillon. Et puis j’ai reçu une instruction de commande de la DGS d’une faible quantité, qui ne permettait pas de remonter le niveau du stock. Il a été décidé à ce moment-là de ne pas reconstituer le milliard de masques.» Dans un numéro d’illusionniste et sans détailler ce contexte, Jérôme Salomon a évoqué le 23 avril, lors d’une audition à l’assemblée nationale, cette commande de «100 millions de masques». Un volume qui permettait seulement de remplacer la dernière partie du stock quasiment périmée. «Certains ont considéré qu’un stock de masques pour la population n’était pas si important que ça», regrette aujourd’hui François Bourdillon.En juin 2019, un an après le constat de la faiblesse du stock, un avis d’experts de Santé publique France «relatif à la stratégie de constitution d’un stock de contre-mesures médicales face à une pandémie grippale» est publié. Ce document indique «qu’il n’y a aucun élément nouveau qui amènerait à modifier les recommandations émises» par le passé. En clair, le besoin pour équiper en cas de pandémie la population seule (sans compter les soignants) est d’un milliard de masques chirurgicaux. Ce groupe de travail, piloté par Jean-Paul Stahl, professeur de maladies infectieuses au CHU de Grenoble, avait-il été informé de l’état du stock ? «Pas du tout», rétorque ce dernier à Libération.
Le ministère de la Santé est pourtant parfaitement au courant de la quasi-pénurie. A la suite de la publication de cet avis, aucune décision de renflouer les stocks n’a, là non plus, été décidée par le gouvernement. Quelle était alors la position de Santé publique France ? «Nous, on est là pour exécuter les instructions, mais quand on remet un rapport d’expertise externe au ministère, c’est une forme de demande… Cet avis était fait pour ça, c’était un rapport de décision, ce n’était pas fait pour être rangé dans un placard», explique aujourd’hui François Bourdillon, qui a quitté la direction à l’été 2019. Contactés, les premiers responsables de ce choix, Agnès Buzyn, qui était alors ministre de la Santé, et Jérôme Salomon, n’ont pas répondu à nos questions sur ce qui avait guidé cette décision.
Même s’il prône la transparence sur sa gestion des masques, le gouvernement entretient surtout le flou depuis le début de l’épidémie. Etrangement, la commande évoquée par Jérôme Salomon de 100 millions de masques en 2018 n’apparaît pas dans la liste des appels d’offres passés par Santé publique France. Interrogés à ce propos, l’agence et le ministère n’ont pas donné d’explications. Cette commande avait-elle été entièrement ou partiellement livrée au début de l’épidémie ? Comment était réellement constitué ce stock de 117 millions de masques dont disposait la France en janvier 2020 ? Lors de son audition à l’Assemblée nationale le 23 avril, Jérôme Salomon a jeté le trouble en évoquant «72 millions de masques repris par Santé publique France», après leur date de péremption. L’état de ces masques a-t-il été expertisé avant d’être réintégré ? Interrogée à ce propos, la DGS n’a, là encore, pas répondu à nos questions.
Au plus fort de l’épidémie, dans les régions les plus touchées par le virus, l’écart est abyssal entre les besoins des personnels soignants et les dotations attribuées par l’Etat, comme le révèle un document du ministère de la Santé présenté lors du Conseil de défense et de sécurité nationale le 25 mars. A l’hôpital de Mulhouse, dans le Haut-Rhin, les besoins, même à l’économie, sont de 84 000 masques chirurgicaux et 35 000 masques FFP2 par semaine : l’Etat n’en distribue respectivement que 20 000 et 5 000 par semaine.
A l’échelle nationale, les récits de médecins, infirmiers, aide-soignants désarmés se multiplient. Fin mars, alors que l’épidémie est de plus en plus virulente et que les besoins sont estimés pour les soignants à au moins 40 millions de masques par semaine, le ministère de la Santé en a déstocké seulement 69 millions en huit semaines, selon ce même document du ministère de la Santé. L’Etat s’est aussi avéré incapable de fournir des masques à toutes les personnes malades. Les commandes passées par les autorités, trop tardives, n’y suffiront pas. Le stock stratégique, pensé justement pour une crise sanitaire, est largement insuffisant. Un haut fonctionnaire en première ligne résume la situation : «Ils sont tellement incertains de ce qu’il va se passer avec les importations qu’ils refusent de déstocker et transforment cette pénurie en norme.»
Diviciac- Messages : 43162
Date d'inscription : 02/07/2017
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