il y en a qui se reconnaîtront
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il y en a qui se reconnaîtront
Pourquoi s'indigner à tout-va est totalement contre-productif
Propos recueillis par Thomas Mahler
Publié le 28/08/2019 à 12:57 | Le Point.fr
[size=21]Elle s'empare de nous dès le matin, quand on prête une oreille aux informations à la radio. Elle gonfle la journée sur les réseaux sociaux avec des tweets rageurs, et culmine au bistrot ou dans les dîners. Une injustice, une gaffe d'un ministre, une bêtise de Bolsonaro, la crise des migrants, le réchauffement climatique, et nous voilà en colère. L'indignation est devenue le mode d'expression privilégié de notre époque, droguée au scandale généralisé. Dans Indignation totale (L'Observatoire), le philosophe belge Laurent de Sutter, professeur à la Vrije Universiteit Brussels, décortique ce besoin, pourtant souvent totalement improductif, à l'image de l'indignation des progressistes contre Trump qui ne va que le conforter dans sa Maison-Blanche. Réjouissant et provocateur, son essai peut ainsi se lire comme l'anti-Indignez-vous de Stéphane Hessel. Et si plutôt que de vouloir avoir raison à tout prix contre ce que l'on juge être la bêtise des autres, on apprenait à avoir tort ? Entretien.
Le Point : Notre époque est celle de l'indignation totale et du scandale généralisé, dites-vous...
[size=18]:copyright: Hannah ASSOULINE
Laurent de Sutter : Il y a une véritable modification de la manière dont le langage est utilisé dans les relations humaines, que ce soit dans les conversations de café, sur le réseaux sociaux ou chez les éditorialistes sur les plateaux de télévision. Il faut sortir de ses gonds. On a l'impression que les gens ne se sentent vivants qu'à partir du moment où ils ont une bonne raison de s'énerver. Et en même temps, cela les rend profondément malheureux. L'indignation, c'est une espèce de jouissance qui ne cesse de se répéter, mais sans rien changer ni à l'état du monde ni au bien-être des personnes qui les expriment.
N'a-t-on pas simplement assisté à une démocratisation de l'indignation via les réseaux sociaux, là où elle était le privilège d'éditorialistes et de figures médiatiques ?
Effectivement, la démocratisation de la bêtise moderne éclate à son plus visible. Notre relation avec le monde se résume aujourd'hui à un cri théâtral de mauvaise humeur. L'indignation, qu'elle soit de gauche ou de droite, justifiée ou injustifiée, place celui qui parle dans une situation de triomphe garanti. On ne peut pas rater une indignation ! On ne peut pas perdre, car être indigné, c'est écraser ce que l'on voit sous des principes moraux. Mon but n'est pas de dire que l'indignation, c'est mal – je suis d'ailleurs le premier à m'énerver le matin en ouvrant Facebook – , mais de voir en quoi elle est un héritage profond lié à nos modes de pensée.
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L'indignation serait selon vous devenue le principal mode de constitution des identités contemporaines. Il faut choisir un camp...
À partir du moment où vous engagez dans ce genre de rhétorique – « c'est la faute à », « c'est un scandale, que fait la police ? » – , vous constituez un espace clivé, et ce clivage vous range dans un camp, qui finit par devenir le lieu même de votre définition. Ce n'est pas en fonction de votre identité que vous vous scandalisez, mais la manière dont vous vous scandalisez qui constitue votre identité. Ce qui m'a, par exemple, frappé avec le #MeToo, c'est son versant français. L'épisode américain, né à partir de l'affaire Weinstein sous une forme certes un peu hystérisée, est d'une certaine manière en raccord avec l'éthique protestante des sexes qui se déploie depuis longtemps à travers les gender studies [les études de genres]. Mais en France, il y a eu un moment très particulier avec la fameuse tribune dans Le Monde titrée « Nous défendons la liberté d'importuner », qui elle-même a entraîné une réplique sur le site Mediapart. Il y a eu une scission qui s'est créée. Après le « moi aussi » de #MeToo, certaines femmes ont dit « moi pas ». Le véritable scandale de #MeToo, c'est cette affaire-là, quand des femmes ont refusé de se dire solidaires des autres. Les autrices du texte furent agonies d'insultes et même de menaces sur les réseaux sociaux.
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Voir les autres Tweets de RTL France
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L'indignation fustige aussi souvent un ennemi identifiable, que ce soit le capitalisme à gauche, le patriarcat pour les féministes, ou le populisme si on est macronien...
On peut s'énerver parce qu'on n'aime pas la tronche d'un ministre. Mais l'indignation, pour qu'elle devienne un phénomène véritable, demande des grands mots. Les fameux mots dont Deleuze disait qu'ils étaient des dents creuses. C'est surtout tragique du côté de la gauche, car cela ne lui réussit pas du tout, ces gros machins comme le « capitalisme » ou les « dominations ». Ces mots posent plus de problèmes qu'ils n'aident à en résoudre. Surtout, ils ne permettent plus de voir le réel, et donc voir où l'on peut agir de manière concrète. Dire que le « capitalisme » est coupable de quelque chose, ça n'a strictement aucun sens. Dans ce cas, l'indignation nous rend bête, parce qu'elle se présente comme une modalité d'élucidation profonde des causes secrètes du fonctionnement du monde, plutôt que de permettre l'action. On passe son temps à regarder dans le rétroviseur. L'indignation est ainsi le contraire absolu du pragmatisme. Ce qui fait qu'une grande partie de la production intellectuelle de gauche, aujourd'hui, est si ineffective. Ce sont des grands mots qu'on se passe entre initiés...
Vous prenez l'exemple de Trump, devenu la cible de toutes les indignations...
Pourquoi le progressiste moyen, comme moi, est-il drogué aux late shows, comme ceux de Steven Colbert, John Oliver ou Trevor Noah ? Pourquoi tous les matins, la première chose que je fais est d'aller sur YouTube voir les vidéos de la veille qui se moquent de la dernière imbécillité inventée par Trump ? Alors que cela ne fait que jeter de l'huile sur le feu et que c'est totalement improductif. Non parce que ces humoristes sont méchants et ironiques, ce qui est très bien. Le problème, ce n'est pas la vacherie, mais la manière dont cette vacherie donne naissance à un rire qui permet à celui qui rigole de s'assurer de sa supériorité intellectuelle. Ce qui caractérise les spectateurs de ces late shows, c'est ainsi la jouissance d'en être, de faire partie du camp des bons, contre celui des méchants. Or, en face, il y a des gens que cela ne fait pas rire du tout d'être pris de haut. De leur côté, ils vont donc faire la même chose. On en arrive à une physique de l'indignation, avec des vases communicants, comme dans une bagarre de cour de récréation. Tous les exclus du discours démocrate standard ont fini par s'affirmer. Et Trump est le héros de ces gens-là. Je ne suis pas certain que ses électeurs l'aiment réellement pour ce qu'il est, mais il incarne précisément tout ce que les démocrates new-yorkais détestent. Le philosophe slovène Slavoj Zizek a d'ailleurs très bien vu ce phénomène. En 2017, il a été le premier à dire sur la BBC que ces late shows ont eu une part de responsabilité dans l'ascension de Trump. Cette sortie de Zizek a indigné tous ceux qui croyaient qu'il faisait partie de leur camp à gauche. Alors que pendant des décennies, il était invité sur tous les campus les plus radicaux, Zizek est aujourd'hui persona non grata.
ENTRETIEN. Dans son dernier essai, le philosophe Laurent de Sutter pointe notre addiction à l'indignation. Et si on arrêtait de vouloir s'insurger contre tout ?
Propos recueillis par Thomas Mahler
Publié le 28/08/2019 à 12:57 | Le Point.fr
[size=21]Elle s'empare de nous dès le matin, quand on prête une oreille aux informations à la radio. Elle gonfle la journée sur les réseaux sociaux avec des tweets rageurs, et culmine au bistrot ou dans les dîners. Une injustice, une gaffe d'un ministre, une bêtise de Bolsonaro, la crise des migrants, le réchauffement climatique, et nous voilà en colère. L'indignation est devenue le mode d'expression privilégié de notre époque, droguée au scandale généralisé. Dans Indignation totale (L'Observatoire), le philosophe belge Laurent de Sutter, professeur à la Vrije Universiteit Brussels, décortique ce besoin, pourtant souvent totalement improductif, à l'image de l'indignation des progressistes contre Trump qui ne va que le conforter dans sa Maison-Blanche. Réjouissant et provocateur, son essai peut ainsi se lire comme l'anti-Indignez-vous de Stéphane Hessel. Et si plutôt que de vouloir avoir raison à tout prix contre ce que l'on juge être la bêtise des autres, on apprenait à avoir tort ? Entretien.
Le Point : Notre époque est celle de l'indignation totale et du scandale généralisé, dites-vous...
[size=18]:copyright: Hannah ASSOULINE
Laurent de Sutter : Il y a une véritable modification de la manière dont le langage est utilisé dans les relations humaines, que ce soit dans les conversations de café, sur le réseaux sociaux ou chez les éditorialistes sur les plateaux de télévision. Il faut sortir de ses gonds. On a l'impression que les gens ne se sentent vivants qu'à partir du moment où ils ont une bonne raison de s'énerver. Et en même temps, cela les rend profondément malheureux. L'indignation, c'est une espèce de jouissance qui ne cesse de se répéter, mais sans rien changer ni à l'état du monde ni au bien-être des personnes qui les expriment.
N'a-t-on pas simplement assisté à une démocratisation de l'indignation via les réseaux sociaux, là où elle était le privilège d'éditorialistes et de figures médiatiques ?
Effectivement, la démocratisation de la bêtise moderne éclate à son plus visible. Notre relation avec le monde se résume aujourd'hui à un cri théâtral de mauvaise humeur. L'indignation, qu'elle soit de gauche ou de droite, justifiée ou injustifiée, place celui qui parle dans une situation de triomphe garanti. On ne peut pas rater une indignation ! On ne peut pas perdre, car être indigné, c'est écraser ce que l'on voit sous des principes moraux. Mon but n'est pas de dire que l'indignation, c'est mal – je suis d'ailleurs le premier à m'énerver le matin en ouvrant Facebook – , mais de voir en quoi elle est un héritage profond lié à nos modes de pensée.
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[size=36]Pour qu'elle devienne un phénomène véritable, l'indignation demande des grands mots[/size]
L'indignation serait selon vous devenue le principal mode de constitution des identités contemporaines. Il faut choisir un camp...
À partir du moment où vous engagez dans ce genre de rhétorique – « c'est la faute à », « c'est un scandale, que fait la police ? » – , vous constituez un espace clivé, et ce clivage vous range dans un camp, qui finit par devenir le lieu même de votre définition. Ce n'est pas en fonction de votre identité que vous vous scandalisez, mais la manière dont vous vous scandalisez qui constitue votre identité. Ce qui m'a, par exemple, frappé avec le #MeToo, c'est son versant français. L'épisode américain, né à partir de l'affaire Weinstein sous une forme certes un peu hystérisée, est d'une certaine manière en raccord avec l'éthique protestante des sexes qui se déploie depuis longtemps à travers les gender studies [les études de genres]. Mais en France, il y a eu un moment très particulier avec la fameuse tribune dans Le Monde titrée « Nous défendons la liberté d'importuner », qui elle-même a entraîné une réplique sur le site Mediapart. Il y a eu une scission qui s'est créée. Après le « moi aussi » de #MeToo, certaines femmes ont dit « moi pas ». Le véritable scandale de #MeToo, c'est cette affaire-là, quand des femmes ont refusé de se dire solidaires des autres. Les autrices du texte furent agonies d'insultes et même de menaces sur les réseaux sociaux.
RTL France
@RTLFrance
[ltr]#BalanceTonPorc : sommes-nous potentiellement des porcs si nous sommes choqués par ce hashtag ? L'avis de @carolinedehaas invitée d'Yves Calvi dans #RTLMatin[/ltr]
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09:39 - 5 févr. 2018
Informations sur les Publicités Twitter et confidentialité
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L'indignation fustige aussi souvent un ennemi identifiable, que ce soit le capitalisme à gauche, le patriarcat pour les féministes, ou le populisme si on est macronien...
On peut s'énerver parce qu'on n'aime pas la tronche d'un ministre. Mais l'indignation, pour qu'elle devienne un phénomène véritable, demande des grands mots. Les fameux mots dont Deleuze disait qu'ils étaient des dents creuses. C'est surtout tragique du côté de la gauche, car cela ne lui réussit pas du tout, ces gros machins comme le « capitalisme » ou les « dominations ». Ces mots posent plus de problèmes qu'ils n'aident à en résoudre. Surtout, ils ne permettent plus de voir le réel, et donc voir où l'on peut agir de manière concrète. Dire que le « capitalisme » est coupable de quelque chose, ça n'a strictement aucun sens. Dans ce cas, l'indignation nous rend bête, parce qu'elle se présente comme une modalité d'élucidation profonde des causes secrètes du fonctionnement du monde, plutôt que de permettre l'action. On passe son temps à regarder dans le rétroviseur. L'indignation est ainsi le contraire absolu du pragmatisme. Ce qui fait qu'une grande partie de la production intellectuelle de gauche, aujourd'hui, est si ineffective. Ce sont des grands mots qu'on se passe entre initiés...
[size=36]La jouissance d'en être, de faire partie du camp des bons, contre celui des méchants[/size]
Vous prenez l'exemple de Trump, devenu la cible de toutes les indignations...
Pourquoi le progressiste moyen, comme moi, est-il drogué aux late shows, comme ceux de Steven Colbert, John Oliver ou Trevor Noah ? Pourquoi tous les matins, la première chose que je fais est d'aller sur YouTube voir les vidéos de la veille qui se moquent de la dernière imbécillité inventée par Trump ? Alors que cela ne fait que jeter de l'huile sur le feu et que c'est totalement improductif. Non parce que ces humoristes sont méchants et ironiques, ce qui est très bien. Le problème, ce n'est pas la vacherie, mais la manière dont cette vacherie donne naissance à un rire qui permet à celui qui rigole de s'assurer de sa supériorité intellectuelle. Ce qui caractérise les spectateurs de ces late shows, c'est ainsi la jouissance d'en être, de faire partie du camp des bons, contre celui des méchants. Or, en face, il y a des gens que cela ne fait pas rire du tout d'être pris de haut. De leur côté, ils vont donc faire la même chose. On en arrive à une physique de l'indignation, avec des vases communicants, comme dans une bagarre de cour de récréation. Tous les exclus du discours démocrate standard ont fini par s'affirmer. Et Trump est le héros de ces gens-là. Je ne suis pas certain que ses électeurs l'aiment réellement pour ce qu'il est, mais il incarne précisément tout ce que les démocrates new-yorkais détestent. Le philosophe slovène Slavoj Zizek a d'ailleurs très bien vu ce phénomène. En 2017, il a été le premier à dire sur la BBC que ces late shows ont eu une part de responsabilité dans l'ascension de Trump. Cette sortie de Zizek a indigné tous ceux qui croyaient qu'il faisait partie de leur camp à gauche. Alors que pendant des décennies, il était invité sur tous les campus les plus radicaux, Zizek est aujourd'hui persona non grata.
Invité- Invité
Re: il y en a qui se reconnaîtront
je vous ai reconnu, toujours indigné contre ceux qui n'aime pas MACRON
Invité- Invité
Re: il y en a qui se reconnaîtront
le.k a écrit:je vous ai reconnu, toujours indigné contre ceux qui n'aiment pas MACRON
Indigné, colérique et injurieux qu'il est: il va même jusqu'à insulter nos parents avec ses adjectifs à la con !
Diviciac- Messages : 43162
Date d'inscription : 02/07/2017
Localisation : IdF et Morvan
Re: il y en a qui se reconnaîtront
Moi je le trouve très mesuré Magic, ses coups de sang ne sont que de petites réactions aux tombereaux de stupidités que déversent quotidiennement les anti-macronistes compulsifs.Diviciac a écrit:le.k a écrit:je vous ai reconnu, toujours indigné contre ceux qui n'aiment pas MACRON
Indigné, colérique et injurieux qu'il est: il va même jusqu'à insulter nos parents avec ses adjectifs à la con !
Où voyez vous que congénital soit une injure envers vos parents?
Je ne peux pas tout, je ne réussis pas tout mais je refuse de m'y résoudre. Emmanuel Macron.
Fontsestian- Messages : 11123
Date d'inscription : 11/06/2018
Age : 78
Localisation : Provence
Re: il y en a qui se reconnaîtront
Fontsestian a écrit:Moi je le trouve très mesuré Magic, ses coups de sang ne sont que de petites réactions aux tombereaux de stupidités que déversent quotidiennement les anti-macronistes compulsifs.Diviciac a écrit:
Indigné, colérique et injurieux qu'il est: il va même jusqu'à insulter nos parents avec ses adjectifs à la con !
Où voyez vous que congénital soit une injure envers vos parents?
Ca c'est vrai ça -- magique est un charmant garçon --
Notre vie est un voyage constant, de la naissance à la mort, le paysage change, les gens changent, les besoins se transforment, mais le train continue. La vie, c'est le train, ce n'est pas la gare.
ledevois- Messages : 21425
Date d'inscription : 03/07/2017
Age : 84
Localisation : Cévennes France--Tarragone catalogne
Re: il y en a qui se reconnaîtront
Fontsestian a écrit:Moi je le trouve très mesuré Magic, ses coups de sang ne sont que de petites réactions aux tombereaux de stupidités que déversent quotidiennement les anti-macronistes compulsifs.Diviciac a écrit:
Indigné, colérique et injurieux qu'il est: il va même jusqu'à insulter nos parents avec ses adjectifs à la con !
Où voyez vous que congénital soit une injure envers vos parents?
Dans le dictionnaire : une tare qui existe à la naissance ne peut venir que de l'hérédité .. de la génétique .. des géniteurs. Comme le mot "congénital" l'indique.
C'est un peu la théorie d'Hitler sur le juif.
Diviciac- Messages : 43162
Date d'inscription : 02/07/2017
Localisation : IdF et Morvan
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